Le regard

Publié le par Vincent Lamy

Peu avant mes vingt ans, je coupe les ponts avec ma famille, et pars m'installer à Montpellier.

Sur place je bouge, d'hôtel miteux en squat de garage, en passant par une auberge de jeunesse.

Par une annonce, je trouve enfin une sous-location chez une jeune fille dénommée Fabienne.

Le courant passe bien au début, mais sa rupture amoureuse vient redistribuer les cartes.

Déstabilisée, elle se rapproche de moi ; j'en profite à moitié, puis coupe net la relation naissante.

Je lui emprunte de l'argent ; elle m'envoie un « gorille » pour me contraindre à rembourser.

De blessures en maladresses, la confiance entre nous s'étiole jusqu'à se changer en ressentiment.

Le jour de mon départ, elle me décoche un regard de haine froide qui me glace le sang.

Peu avant mes quarante ans, je suis assis devant mon ordinateur, à l'évêché de Pontoise.

Des voix dans le couloir m'indiquent que l'évêque effectue un tour des locaux avec un invité.

Il s'agit de Jean Vanier, fondateur de l'Arche, et venu faire une conférence dans le Val-d'Oise.

L'Arche réunit dans des structures de vie personnes valides et handicapées, surtout mentales.

Pendant que nous nous serrons la main, je bafouille un « Très honoré de vous rencontrer ».

Jean Vanier me sourit chaleureusement et me regarde d'une façon extraordinairement habitée.

Son regard me dit : « A cet instant, tu es pour moi la personne la plus importante au monde ».


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F
<br /> de tels regards sont des cadeaux rares... cela nous questionne aussi sur notre propre regard.<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Le tien, Florence, m'est précieux, car particulièrement pertinent !<br /> <br /> <br /> <br />